"La puce" Trueba, le premier qui eût mérité les pois

Depuis vingt ans, le Tour franchit Pyrénées et Alpes, mais la caste des grimpeurs reste à inventer. Surgit Vicente Trueba, qui crée le genre dans son maillot anonyme de touriste-routier.

Prueba a eu au moins deux occasions de gagner le Tour en 1933. À Nice, si les délais avaient été respectés, seuls six coureurs seraient restés en course, lui loin devant. À Pau, s'il avait fait fructifier l'avance acquise sur les pentes du seul Tourmalet : 5 minutes sur Magne, 8 sur Guerra, 10 sur Speicher ! C'était compter sans sa maladresse ou (et) la malchance. Dans la descente de l'Aubisque, il crève deux fois puis "donne de la tête contre la porte d'une cabane forestière", selon l'Auto. Il est sixième à Paris. Et pas même le premier des touristes-routiers, catégorie qui désigne depuis dix ans les coureurs individuels.
"La puce de Torrelavega", surnom de Vicente Trueba, en référence à son gabarit, à son style sautillant et à sa petite ville de Cantabrie, accomplit donc tout le Tour 1933 dans son maillot anonyme vert et jaune. Il a trouvé une aide auprès des cycles Colin, modeste constructeur oublié, et des pneumatiques Wolber. Son maillot appartient néanmoins à la légende, car Trueba est le premier lauréat du Grand Prix de la montagne, attribué cette année là au cycliste ayant franchi le plus de grands cols en tête, Desgrange, père du Tour et toujours journaliste, épaté par l'aisance du petit espagnol, décide en 1934 d'offrir des bonifications de temps aux conquérants des grands sommets. Mais "la puce" ne sautille déjà plus de lacet en lacet. Trueba a trouvé son maitre, René Vietto. Avec son maillot vert et jaune de 1933, il reste malgré tout le grand aïeul de tous les maillots à pois contemporains.